17 juin 2025

Rupture anticipée d’un contrat d’apprentissage

Afin d’éviter des mauvaises surprises : voici les règles essentielles en matière de rupture anticipée du contrat d’apprentissage

Un fromager nous a sollicité pour une affaire aussi caricaturale que dangereuse. Un apprenti au gabarit aussi impressionnant que son goût pour le Brie ne donne pas de nouvelles pendant deux jours. Le père appelle le fromager pour l’informer que son fils a été arrêté pour un problème de vol de voiture. Tous les deux, en bons pères de famille, conviennent au téléphone de la solution la plus raisonnable dans ce cas, à savoir la rupture amiable du contrat d’apprentissage. Le comptable est averti, il prépare un protocole d’accord que votre confrère enverra rapidement au domicile de son cocontractant sorti de sa « garde à vue » presque aussitôt. Trois jours plus tard notre amateur de Brie tiré du bras par son père ayant sous l’autre une note d’information délivrée par son syndicat préféré se présente pour reprendre son poste. « La Police l’a relâché, il s’est trouvé là par hasard » ! Le maître d’apprentissage ne comprenant pas cette volte-face refuse que l’apprenti reprenne son poste et maintient sa position…le contrat a été rompu d’un commun accord.

Malheureusement, le document rédigé à cet effet ne fut jamais contresigné. Le conseil de prud’hommes fut saisi…et une indemnité de 8000€ demandée au titre de la rupture anticipée abusive et le paiement des salaires jusqu’au terme initialement prévu au contrat.
Résultat des courses, indemnité transactionnelle de 3000€…

Cette affaire est, à bien des égards, révélatrice de l’obligation impérieuse de veiller à clarifier les situations et éventuellement de nous solliciter dès qu’un problème se pose.

Rupture du contrat pendant les deux premiers mois

Pendant les deux premiers mois de l’apprentissage, le contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties. Cette résiliation : 

  • peut intervenir à tout moment à l’intérieur de ce délai qui constitue une période d’essai ;
  • ne donne lieu à aucune indemnité ;
  • doit être constatée par écrit et notifiée au directeur du CFA, à la chambre de commerce, ainsi qu’au service qui a enregistré le contrat.

A noter que le délai de deux mois est suspendu pendant un arrêt maladie de l’apprenti et reprend à son retour.
Si l’apprenti est victime d’un accident du travail pendant cette période, l’employeur ne pourra rompre le contrat que pour faute grave ou force majeure.

Rupture du contrat après les deux premiers mois

Au-delà des deux premiers mois, la résiliation du contrat ne peut intervenir que dans certains cas limitativement énumérés.

a) Accord exprès de l’employeur et de l’apprenti

Comme la résiliation intervenant pendant les deux premiers mois de l’apprentissage, cette résiliation d’un commun accord doit être constatée par écrit et notifiée au directeur du CFA, à la chambre de commerce, ainsi qu’au service qui a enregistré le contrat.
L’écrit constatant la rupture doit être signé par chacune des parties. Si l’apprenti est mineur, il doit l’être également par son représentant légal.
Dans l’affaire que nous évoquions tel était le problème. L’écrit n’avait pas été signé. Autrement dit pas d’écrit…pas de rupture !!

Attention, comme nous l’évoquions dans le n°148 du Courrier du Fromager de Novembre 2004, la rupture amiable n’est pas aussi « simple ». En effet, à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 2004 une conclusion s’impose : les juges veulent avoir la certitude que le salarié trouve effectivement un avantage à la rupture du contrat.

Autrement dit :

  • Il ne sert à rien de faire signer au salarié un document contenant son acceptation d’une rupture d’un commun accord. Un tel document n’est pas considéré par les juges comme une preuve du fait que la rupture a bien été consentie par le salarié.
  • Seule une lettre écrite librement par le salarié intéressé pourra éventuellement être prise en compte, en fonction des circonstances de l’affaire.

Pour éviter tout contentieux, il est donc conseillé de faire préciser, au salarié, dans sa lettre manuscrite qu’il souhaite quitter l’entreprise puisqu’il a par exemple trouvé un nouvel emploi, souhaite se consacrer à un autre projet etc.

b) A l’initiative de l’apprenti en cas d’obtention anticipée du diplôme ou du titre préparé

Dès lors qu’il a obtenu le diplôme ou le titre qu’il préparait, l’apprenti peut mettre fin à son contrat avant son terme.

L’apprenti, ou son représentant légal s’il est mineur, devra informer son employeur par écrit :

  • du motif de la rupture (l’obtention du diplôme) ;
  • de la date d’effet de la résiliation (dès le lendemain de la publication des résultats par le président du jury).

L’employeur devra notifier cette résiliation au CFA, à la chambre de commerce ainsi qu’au service ayant enregistré le contrat.

c) Ruptures devant être prononcées par le conseil de prud’hommes

  • Faute grave
    Attention, la faute de l’apprenti ne peut s’apprécier de la même manière que pour un salarié expérimenté. L’indulgence s’impose car il est en phase d’apprentissage. Néanmoins, des comportements anormaux dans le cadre d’une relation de travail sont susceptibles de constituer un motif de résiliation judiciaire du contrat (vols, violence, abandon de poste répétés, concurrence, etc.).Droits et obligations des parties dans l’attente d’une décision éventuelle du conseil de prud’hommes
    L’employeur qui invoque une faute grave peut prononcer une mise à pied conservatoire de l’apprenti dans l’attente d’une décision judiciaire à venir. Attention, l’apprenti aura droit au versement de sa rémunération si la résiliation est prononcée par le juge à ses torts.
    Sauf cas de mise à pied, le salarié doit continuer à venir travailler tout le temps que la résiliation judiciaire n’a pas été prononcée. A défaut, il sera possible à l’employeur de demander la résiliation pour faute grave pour ce motif.L’apprenti peut également demander la résiliation de son contrat pour faute grave. Ont ainsi été prononcées aux torts de l’employeur les résiliations faisant suite par exemple à des manquements répétés aux dispositions sur la durée du travail, à des conditions d’hébergement insalubres, au non-paiement de salaires, à des mauvais traitements subis par l’apprenti, etc.
  • Inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer
    D’origine professionnelle ou médicale, l’inaptitude peut donner lieu à résiliation par le Conseil de prud’hommes qui prend sa décision après vérification, examens ou expertise.